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II



Dès le point du jour les domestiques et les gens de journée étaient occupés à leurs travaux accoutumés dans la cour de l’auberge du Saint-Sébastien. Thérèse, la vachère, lavait auprès du puits des betteraves pour le bétail ; on entendait dans la grange ouverte le bruit cadencé des fléaux ; le garçon d’écurie chantait une grossière chanson en étrillant les chevaux.

Un seul homme se promenait du haut en bas, fumant nonchalamment sa pipe et s’arrêtant tantôt ici tantôt là pour regarder travailler les autres. Il était aussi vêtu comme un ouvrier, portait une veste et avait des sabots aux pieds. Bien que son visage attestât surtout la calme tranquillité d’un insouciant far niente, on voyait cependant briller dans ses yeux une certaine expression de malice et de ruse. Au reste, il suffisait de voir ses joues vermeilles et son nez empourpré pour comprendre qu’il s’asseyait à une bonne table et connaissait parfaitement le chemin de la cave.

La fille d’écurie quitta ses betteraves, et s’approcha de la grange où les batteurs étaient occupés à étendre sur l’aire de nouvelles gerbes et qui saisissaient cette occasion pour échanger un mot tout en travaillant. L’homme à la pipe s’était arrêté et regardait.

— Kobe, Kobe[1], lui cria la vachère, vous avez trouvé

  1. Jacques ; abréviation de Jacobus.