Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/537

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— Tistjé, Tistjé[1], pourquoi me mordre ainsi ? Vous ne pouvez supporter que le soleil donne sur mon étang. Ne connaissez-vous donc pas le proverbe : Qui porte envie à autrui dévore son cœur et perd son temps. Si je recevais moins, en auriez-vous plus ? Suis-je fier ? Vous fais-je du mal ? Au contraire, je vous avertis quand le baes vient, et je vous passe souvent une bonne cruche de bière par le trou de la cave. Vous cherchez ce qui n’est pas perdu, Tistjé ?

— Oui, oui, nous connaissons votre générosité ; vous ressemblez au curé qui bénit tout le monde, mais en se bénissant lui-même le premier.

— Il a raison et moi aussi ; qui sert l’autel doit vivre de l’autel.

— C’est vrai ! s’écria un autre ouvrier. Kobe est un bon garçon, et je voudrais bien être dans ses souliers ; je gagnerais aussi mon pain alors en soufflant aux corneilles des nuages de fumée : quand le ventre est plein, le cœur est en repos.

— Oui, ventre plein, pied traînant ; panse pleine, tête folle !

— Laissez-les jaser, Kobe ; tout le monde ne peut avoir au ciel une bonne étoile ; moi je dis que vous avez beaucoup d’esprit.

— Pas plus que le champignon qui est là-haut sur le cerisier, répondit Kobe avec une modestie affectée.

Tous regardèrent avec surprise un grand agaric qui croissait entre les plus fortes branches du cerisier ; mais les regards se reportèrent immédiatement sur Kobe pour

  1. Baptiste.