Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/571

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— Et puis, Lisa, réfléchissez que nous sommes aujourd’hui parmi les premiers de notre rang. Votre père est un des principaux propriétaires de notre commune ; notre brasserie n’est en arrière sur aucune autre. Irai-je consentir à devenir un nouveau riche, me mettre dans la nécessité de mendier l’amitié de gens orgueilleux, et me faire détester par mes anciens compagnons comme un homme qui, par fierté, veut jouer au monsieur ? Non, Lisa ; cela pourrait flatter l’amour-propre de certaines personnes ; moi, cela m’humilierait et me ferait dépérir. Mieux vaut être estimé et aimé parmi les paysans que d’être mal vu et dédaigné parmi les seigneurs !

Lisa allait répondre à la sortie passionnée de Karel, mais le domestique ouvrit la porte, et s’approchant précipitamment du jeune homme lui dit et très-vite :

— Karel, tiendriez-vous à vous disputer une heure ou deux avec notre baes ? Non ? Sauvez-vous bien vite alors, car il est furieux contre vous. Vous devez lui avoir vilainement marché sur le pied. SI vous ne partez pas, la maison sera sens dessus dessous.

— Ah ! Karel, dit Lisa avec un soupir et en pressant la main du jeune homme, partez, jusqu’à ce que la colère de mon père soit passée. Cette après-dînée il n’y songera plus.

Le jeune brasseur secoua la tête, salua sa fiancée d’un regard attristé, et se hâta de franchir la porte de derrière de l’auberge.

Le domestique le suivit, et lui dit tout en marchant :

— Ne craignez rien, Karel, j’aurai l’œil au guet et vous préviendrai quand le chariot sortira par trop de