Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/61

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de jouer… je vais vous apporter votre dîner tout à l’heure.

Mais les poissons frétillèrent autour de l’arrosoir jusqu’à ce qu’elle l’eût retiré de l’étang ; et même, après le départ de la jeune fille, ils continuèrent de s’attrouper tout en émoi près du bord que son pied avait foulé.

Elle vient d’arroser les fleurs ; l’arrosoir a glissé de sa main sur le sol. La tête penchée, elle dirige ses pas vers l’habitation solitaire ; elle revient avec la même lenteur, jette du pain blanc aux dorades, et se remet, inattentive et tout absorbée par ses pensées, à parcourir les sentiers du jardin.

Elle gagna enfin un endroit où un gigantesque catalpa étendait au-dessus du chemin, comme un vaste parasol, ses branches, qui se courbaient jusqu’à terne. Sous ce frais ombrage se trouvaient une table et deux chaises. Un livre, un encrier, une broderie, témoignaient que la jeune fille s’était assise là peu auparavant.

Maintenant encore elle s’affaissa sur l’une des chaises, prit tour à tour en main le livre et la broderie, les laissa retomber l’un et l’autre, et bientôt, succombant sous les pensées qui l’accablaient, elle inclina sa belle tête sur son bras comme quelqu’un qui est las et voit se reposer.

Pendant quelque temps ses grands yeux demeurèrent vaguement fixés dans l’espace ; par intervalles, un doux sourire se jouait sur ses lèvres, et ses lèvres s’agitaient comme si elle se fût entretenue avec un ami. Parfois ses paupières fatiguées se fermaient ; mais les cils se relevaient toujours pour retomber plus lourdement encore,