Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/60

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se précipite brûlant dans mes veines, tantôt il coule lent et glacé… J’étouffe… une secrète angoisse trouble mon âme… et cependant je suis heureuse… mon cœur se perd dans une inexprimable félicité…

Elle se tut, puis elle parut s’éveiller soudain, releva vivement la tête, et rejeta en arrière les boucles épaisses de sa chevelure, comme si elle eût voulu se débarrasser de la pensée qui l’obsédait.

— Attendez, mes chères fleurs, dit-elle aux œillets en souriant ; attendez, je vais vous apporter aide et fraîcheur !

Elle disparut dans le bosquet, et en rapporta bientôt des rameaux qu’elle disposa de manière à ombrager les fleurs. Après quoi elle prit un petit arrosoir, et courut à travers l’herbe vers un bassin ou plutôt un petit étang creusé au milieu du gazon, et autour duquel des saules pleureurs laissaient pendre leurs rameaux ondoyants.

La surface de l’eau était calme et unie à son arrivée ; mais à peine son image s’y fut-elle reflétée que le vivier parut fourmiller d’êtres vivants. Des centaines de dorades de toutes couleurs, — rouges, blanches, noires, — nageaient vers elle en frétillant, la gueule hors de l’eau et béante, comme si ces pauvres petits animaux s’étaient efforcés de parler à la jeune fille.

Elle, se retenant d’une main au tronc du saule pleureur le plus proche, se courbait gracieusement sur l’eau, et s’efforçait de remplir l’arrosoir sans toucher les dorades.

— Allons, allons, laissez-moi en paix ! disait-elle en les écartant avec précaution ; je n’ai pas le temps