Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/612

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et des frissons convulsifs, indice de secrètes émotions, crispaient ses traits. On eût dit qu’une terreur profonde, une anxieuse attente oppressait son cœur ; car de temps en temps elle glissait en tremblant un regard derrière les rideaux, et son œil se fixait sur la rue avec une visible inquiétude jusqu’à ce que quelque passant parût regarder la maison. Bien qu’on ne pût la voir du dehors, elle retirait vivement la tête ; une sorte de honte colorait ses joues d’une vive rougeur, elle baissait les yeux comme pour se soustraire aux regards accusateurs des gens, et demeurait ainsi longtemps dans une complète immobilité ; mais elle finissait toujours par reporter les yeux au dehors avec une vive curiosité et les mêmes angoisses.

Que pouvait-elle attendre ? Elle-même n’en savait rien ; mais la conscience rongeait son cœur comme un ver : l’image de Karel flottait sous ses yeux, et lui criait qu’elle était cause de tous les tourments qui martyrisaient son cœur plein d’amour ; grâce à son imagination effrayée, elle entendait ce que les paysans disaient d’elle ; pour la première fois elle comprenait pleinement qu’elle était perdue de réputation, et que Karel lui-même la repousserait désormais à bon droit. Voilà pourquoi les coups d’œil des passants la faisaient trembler et rougir. Elle lisait sur leurs traits qu’ils parlaient de l’aventure de la veille, et que la raillerie, le mépris et l’irritation accompagnaient leurs paroles. Elle avait même vu quelques paysans tendre vers l’auberge un poing menaçant, comme s’ils eussent juré solennellement de tirer vengeance du déshonneur causé à leur village par les Gansendonck.