Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/66

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Dieu nous être propice !… Oh ! oui, mon enfant ; ouvre ton âme aux enivrantes émotions de l’espérance… Rêve, rêve… car qui sait ?… Mais, non, n’empoisonnons pas ces bienheureux instants par la froide image de la réalité !… Dors, dors, laisse savourer à ton âme les célestes enchantements de l’amour qui s’éveille !

Monsieur de Vlierbecke demeura quelques instants encore en contemplation. Il se leva enfin, passa derrière la jeune fille et posa sur son front un long baiser.

Rêvant encore à demi, elle ouvrit lentement les yeux ; mais à peine eut-elle reconnu celui qui l’éveillait qu’elle l’enlaça d’un bond dans ses bras, se suspendit caressante à son cou en lui donnant le plus doux baiser filial, et l’accabla de mille questions.

Le gentilhomme se dégagea de l’étreinte de sa fille, et dit d’un ton de douce plaisanterie :

— Apparemment, Lénora, il est inutile que je te demande aujourd’hui quelles beautés tu as découvertes dans le Lucifer de Vondel ; le temps t’a sans doute manqué pour commencer la comparaison de ce chef-d’œuvre de notre langue maternelle avec le Paradis perdu de Milton !

— Ah ! mon père, balbutia Lénora, mon esprit se trouve, en effet, dans d’étranges dispositions. Je ne sais ce que j’ai ; je ne puis même plus lire avec attention.

— Allons, Lénora, ne t’attriste pas, mon enfant ! Assieds-toi ; j’ai à t’apprendre une importante nouvelle. – Tu ne sais pas pourquoi je me suis rendu en ville aujourd’hui, n’est-ce pas ? Eh bien, c’est que nous avons demain du monde à dîner.