Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/79

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« Un homme riche, qui se promenait le long du ruisseau, remarque sa douleur amère. En voyant pleurer la jeune fille, son cœur compatissant se brise.

« Il lui dit : Parle, jeune fille, et n’aie pas de crainte ; dis-moi pourquoi tu te lamentes et te plains ; si c’est possible, je t’aiderai.

« Elle soupire, le regarde d’un air désolé, et dit : « Ah ! brave homme, vous voyez une pauvre orpheline que Dieu seul peut secourir.

« Ne voyez-vous pas ce monticule verdoyant ? C’est la tombe de ma mère. Voyez-vous le rivage de ce torrent ? C’est de là que mon père est tombé…

« Le torrent impétueux l’emporta ; il lutta en vain et s’enfonça ; mon frère s’élança après lui : hélas ! lui aussi se noya.

« Et maintenant j’ai fui la chaumière déserte, où il n’y a plus que désolation. » Ainsi son cœur plein de tristesse exhale ses plaintes.

« Le seigneur lui dit : « Oh ! ne te plains pas, mon enfant, ton cœur n’est pas fait pour le chagrin ; je veux être ton frère, ton ami et aussi ton père. »

« Il lui prit doucement la main et la nomma sa fiancée ; il lui fit quitter ses misérables vêtements.

« Maintenant elle a bonne chère et bons vins, et tout ce que son cœur désire. L’homme riche mérite bien d’être remercié pour avoir si noblement agi.[1] »

  1. Cette chanson populaire connue sous le nom de l’Orpheline est très-répandue dans la Campine. L’air en est triste, mus plein de douceur et de mélodie ; il a beaucoup ce rapport avec l’ait favori de madame Catalani : Nel cor iù mi sento de la Molinara.