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Page:Considerant - Théorie générale de Fourier.djvu/11

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tions qui précèdent ; elles suffiront pour établir ce qu’il nous importe de savoir pour le moment, que l’humanité, comme tous les êtres, ne s’élève à l’unité qu’après avoir subi dans son organisation une série de transformations successives, et qu’elle passe, avant d’arriver à son état normal, par les degrés inférieurs de la vie.

Les lois générales que nous venons d’énoncer ont avec l’exercice des fonctions un rapport d’une grande évidence et d’une importance majeure : les êtres n’arrivent que par degrés à l’unité ; tant que leur organisme n’est point entièrement formé et développé, ils sont dans des circonstances défavorables à l’exécution du travail qui leur est confié. La carrière qu’ils doivent parcourir se partage donc naturellement en deux parties essentiellement différentes. Dans la première partie, l’être se développe et acquiert péniblement les organes nécessaires à l’entretien de sa vie ; dans la seconde, qui est toujours d’une durée beaucoup plus grande que la première, l’être, jouissant de la plénitude de la vie, peut remplir intégralement ses fonctions, et, si la souffrance a signalé les périodes consacrées à la formation de l’être, le bonheur, qui ne réside jamais que dans l’exercice des fonctions, l’accomplissement de la tâche ou du devoir, est réservé à cette seconde époque de la vie, pendant laquelle l’organisme doué de toute sa puissance atteint sans aucun effort, et par le jeu naturel de ses parties, le but vers lequel tendaient ses développements antérieurs. Telle est la cause des douleurs qui jusqu’à présent ont été le partage de l’humanité sur la terre, et qui ne l’abandonneront jamais tant que l’unité humaine ne sera point entièrement formée. La désharmonie des éléments constituants de l’humanité, en l’empêchant de remplir les fonctions qui sont le but de sa vie, engendre nécessairement la souffrance.

Le bonheur sur cette terre a donc évidemment pour condition première la formation de l’unité humaine. Si ce grand but ne devait pas être atteint, le séjour de l’homme serait pour jamais une vallée de larmes et de misères ; aucune race, aucune nation, aucun individu ne pourraient connaître l’ombre même de la félicité que Dieu réserve aux humanités accomplissant leurs hautes destinées et contribuant aux harmonies de ses éternelles créations. Il est aussi impossible à un peuple d’arriver seul au bonheur qu’à une tête de vivre sans un corps, qu’à un corps de marcher sans une tête. Les éléments qui sont appelés à former un jour un tout organisé, et dont les fonctions partielles doivent s’harmoniser dans une fonction supérieure, ne sont point placés dans les conditions de leur destinée essentielle tant qu’ils ne sont animés que de leur vie propre et qu’ils ne sont point réunis dans l’unité