Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/122

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tranquille ? Vingt années de guerres civiles déchirèrent l’empire français, et peut-être le bon Henri IV porta-t-il, quarante ans plus tard, la peine du dernier Valois.

Dans les crises de cette nature, les coupables que l’on immole ne sont jamais qu’en petit nombre. D’autres se taisent, se cachent, attendent ; ils profitent de la consternation que l’apparence de l’injustice répand dans l’esprit des hommes scrupuleux. Le pouvoir, en s’affranchissant des lois, a perdu son caractère distinctif et son heureuse prééminence. Lorsque les factieux l’attaquent avec des armes pareilles aux siennes, la foule des citoyens peut être partagée ; car il lui semble qu’elle n’a que le choix entre deux factions.

On nous objecte l’intérêt de l’État, les dangers de la lenteur, le salut public. N’avons-nous pas entendu suffisamment ces mêmes paroles sous le système le plus exécrable ? Ne s’useront-elles jamais ? Si vous admettez ces prétextes imposants, ces mots spécieux, chaque parti verra l’intérêt de l’État dans la destruction de ses ennemis, les dangers de la lenteur dans une heure d’examen, le salut public dans une condamnation sans jugement et sans preuves.

Tout gouvernement modéré, tout gouvernement qui s’appuie sur la régularité et sur la justice, se perd par toute interruption de la justice, par toute déviation de la régularité. Comme il est dans sa nature de s’adoucir tôt ou tard, ses ennemis attendent cette époque pour se prévaloir des souvenirs armés contre lui. La violence a paru le sauver un instant ; mais elle a rendu sa chute plus inévitable ; car, en le délivrant de quelques adversaires, elle a généralisé la haine que ses adversaires lui portaient.

Soyez justes, dirai-je toujours aux hommes investis