Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ministre qui fait enlever un citoyen, sans y être autorisé par la loi, commet le même crime. Sa qualité de ministre est étrangère à cet acte, et n’en change point la nature. Car, encore une fois, cette qualité ne lui donnant pas le droit de faire arrêter les citoyens, au mépris de la loi et contre ses dispositions formelles, le délit qu’il commet rentre dans la même classe que l’homicide, le rapt, ou tout autre crime privé.

Sans doute la puissance légitime du ministre lui facilite les moyens de commettre des actes illégitimes ; mais cet emploi de sa puissance n’est qu’un délit de plus.

Notre constitution est donc éminemment sage, lorsqu’elle accorde à nos représentants la plus grande latitude dans leurs accusations, et lorsqu’elle confère un pouvoir discrétionnaire au tribunal qui doit prononcer.

Il y a mille manières d’entreprendre injustement ou inutilement une guerre, de diriger avec trop de précipitation, ou trop de lenteur, ou trop de négligence la guerre entreprise, d’apporter trop d’inflexibilité ou trop de faiblesse dans les négociations, d’ébranler le crédit, soit par des opérations hasardées, soit par des économies mal conçues, soit par des infidélités déguisées sous différents noms. Si chacune de ces manières de nuire à l’État devait être indiquée et spécifiée par une loi, le code de la responsabilité deviendrait un traité d’histoire et de politique, et encore ses dispositions n’atteindraient que le passé. Les ministres trouveraient facilement de nouveaux moyens de les éluder pour l’avenir.

Aussi les Anglais, si scrupuleusement attachés d’ailleurs, dans les objets qu’embrasse la loi commune, à l’application littérale de la loi ne désignent-ils pas les