Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/131

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inquiétudes qu’ils auront causées, le mal qu’ils auront fait, et le degré de ressentiment qui en sera la suite.

Ce qui me persuade que je ne suis point un ami de l’arbitraire, en posant en axiome que la loi sur la responsabilité ne saurait être détaillée comme les lois communes, et que c’est une loi politique dont la nature et l’application ont inévitablement quelque chose de discrétionnaire, c’est que j’ai pour moi, comme je viens de le dire, l’exemple des Anglais, et que non-seulement depuis cent trente-quatre ans la liberté existe chez eux, sans trouble et sans orages, mais que de tous leurs ministres, exposés à une responsabilité indéfinie, et perpétuellement dénoncés par l’opposition, un bien petit nombre a été soumis à un jugement, aucun n’a subi une peine.

La constitution donne aux ministres un tribunal particulier. Elle profite de l’institution de la pairie pour la constituer juge des ministres, dans toutes les causes où un individu lésé ne se porte pas pour accusateur. Les pairs sont en effet les seuls juges dont les lumières soient suffisantes et l’impartialité assurée.

Placés dans un poste qui inspire naturellement l’esprit conservateur à ceux qui l’occupent, formés par leur éducation à la connaissance des grands intérêts de l’État ; initiés par leurs fonctions dans la plupart des secrets de l’administration, les pairs reçoivent encore de leur position sociale une gravité qui leur commande la maturité de l’examen et une douceur de mœurs qui, en les disposant aux ménagements et aux égards, supplée à la loi positive, par les scrupules délicats de l’équité.

Les représentants de la nation, appelés à surveiller l’emploi de la puissance et les actes de l’administration publique, et plus ou moins admis dans les détails des