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On a dit et souvent répété que Benjamin Constant avait été expulsé comme madame de Staël ; c’est une erreur, et tout indique au contraire qu’il a volontairement quitté la France, non pour la maudire et conspirer contre elle, mais pour échapper au spectacle d’une tyrannie qui révoltait les plus nobles instincts de son âme. Au mois de décembre 1803, il alla se fixer à Weimar, qui était alors le centre intellectuel de l’Allemagne ; on le retrouve ensuite à Coppet, en Suisse, dans le château de madame de Staël ; en 1808, il revient à Paris où il épouse mademoiselle de Hardenberg, la parente du célébré ministre prussien de ce nom, qu’il avait connue à la cour du duc de Brunswick. De Paris, il part pour Gœttingue et, dans cette retraite studieuse, il traduit en vers la tragédie de Wallstein, et travaille au livre de la Religion, au Polythéisme romain ; en 1813, il publie le pamphlet célèbre De l’esprit de conquête et de l’usurpation, et l’année suivante, il rentre en France en même temps que les Bourbons.

La vie de Benjamin Constant, on le voit par les détails qui précèdent, a été mêlée, dans sa première période, d’incidents bien divers, et remplie par des fonctions et des travaux de nature bien différente. L’élève des universités anglaises et allemandes, le chambellan du duc de Brunswick, le membre du Tribunat, avait vu s’ouvrir devant lui les plus larges perspectives de la science et de la politique. Lié avec les hommes les plus éminents de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne, avec ceux qui exerçaient la dictature de l’intelligence, il avait, à leur contact, agrandi et rectifié son esprit, naturellement doué des plus brillantes aptitudes ; il s’était fait des gouvernements un magnifique idéal de justice, d’ordre et de liberté, et c’est à défendre cet idéal qu’il devait consacrer les dernières et glorieuses années de sa vie.


III

De même que la grande majorité des Français, Benjamin Constant crut voir dans le retour des Bourbons un gage