Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/277

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Une vexation plus révoltante encore, parce qu’elle est plus directe et moins déguisée, c’est la fixation du prix des journées. Cette fixation, dit Smith, est le sacrifice de la majeure partie à la plus petite. Nous ajouterons que c’est le sacrifice de la partie indigente à la partie riche, de la partie laborieuse à la partie oisive, au moins comparativement, de la partie qui est déjà souffrante par les dures lois de la société à la partie que le sort et les institutions ont favorisée. On ne saurait se représenter, sans quelque pitié, cette lutte de la misère contre l’avarice, cette lutte où le pauvre, déjà pressé par ses besoins et ceux de sa famille, n’ayant d’espoir que dans son travail, et ne pouvant attendre un instant sans que sa vie même et la vie des siens ne soit menacée, rencontre le riche, non-seulement fort de son opulence et de la faculté qu’il a de réduire son adversaire, en lui refusant ce travail qui est son unique ressource, mais encore armé de lois vexatoires qui fixent les salaires, sans égard aux circonstances, à l’habileté, au zèle de l’ouvrier. Et qu’on ne croie pas cette fixation nécessaire pour réprimer les prétentions exorbitantes et le renchérissement des bras. La pauvreté est humble dans ses demandes. L’ouvrier n’a-t-il pas derrière lui la faim qui le presse, qui lui laisse à peine un instant pour discuter ses droits, et qui ne le dispose que trop à vendre son temps et ses forces au-dessous de leur valeur ? La concurrence ne tient-elle pas le prix du travail au taux le plus bas qui

    personnes incapables est évidemment aussi absurde qu’oppressive. Adam Smith. Voyez aussi Bentham, Principes du Code civil, partie III, ch. I.

    (Note de Benjamin Constant.)
    Turgot a dit de même dans le préambule de l’édit de 1776 : Dieu donnant à l’homme des besoins et lui rendant nécessaire la ressource du travail a fait du droit de travailler la propriété de tout homme, et cette propriété est la première, la plus sacrée et la plus imprescriptible de toutes.
    (Note de l’éditeur.)