Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit compatible avec la subsistance physique ? Chez les Athéniens, comme parmi nous, le salaire d’un journalier était équivalent à la nourriture de quatre personnes. Pourquoi des règlements, lorsque la nature des choses fait la loi sans vexation ni violence ?

La fixation du prix des journées, si funeste à l’individu, ne tourne point à l’avantage du public. Entre le public et l’ouvrier s’élève une classe impitoyable, celle des maîtres. Elle paye le moins et demande le plus qu’il lui est possible, profitant ainsi seule, tout à la fois, et des besoins de la classe laborieuse et des besoins de la classe aisée. Étrange complication des institutions sociales ! Il existe une cause éternelle d’équilibre entre le prix et la valeur du travail, une cause qui agit sans contrainte de manière à ce que tous les calculs soient raisonnables et tous les intérêts contents. Cette cause est la concurrence ; mais on la repousse. On met obstacle à la concurrence par des règlements injustes, et on veut rétablir l’équilibre par d’autres règlements non moins injustes, qu’il faut maintenir par les châtiments et par les rigueurs.

Le système des primes et des encouragements a moins d’inconvénients que celui des privilèges. Il me semble néanmoins dangereux sous plusieurs rapports.

Il est à craindre premièrement que l’autorité, lorsqu’elle s’est une fois arrogé le droit d’intervenir dans ce qui concerne l’industrie, ne fût-ce que par des encouragements, ne soit poussée bientôt, si ces encouragements ne suffisent pas, à recourir à des mesures de contrainte et de rigueur. L’autorité se résigne rarement à ne pas se venger du peu de succès de ses tentatives ; elle court après son argent comme les joueurs. Mais au lieu que ceux-ci en appellent au hasard, l’autorité souvent en appelle à la force.