Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/396

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aux hommes mêmes dont les forfaits l’ont soulevée, pourvu qu’ils la dirigent contre les instruments de leurs crimes. Ces hommes se mettent à la tête des réactions que leurs propres attentats ont provoquées, et ils les rendent plus épouvantables.

Les hommes sensibles ne sauraient être féroces ; le regret adoucit la fureur : il y a dans le souvenir de ce qu’on aima une sorte de mélancolie qui s’étend sur toutes les impressions.

Mais ces hommes atroces et lâches, avides d’acheter par le sang le pardon du sang qu’ils ont répandu, ne mettent point de bornes à leurs excès. Leur motif n’est pas la douleur, mais la crainte ; leur barbarie n’est point entraînement, mais calcul ; ils ne massacrent point parce qu’ils souffrent, mais parce qu’ils tremblent, et comme leurs terreurs sont sans terme, leurs crimes n’en sauraient avoir.

Si cette multitude passionnée qui, en France, a coopéré aux réactions, eût pu s’arrêter un instant pour contempler ses chefs, elle aurait frémi. Elle aurait vu qu’elle suivait, contre des instruments exécrables, des meneurs plus exécrables encore. Ces guides l’entraînaient vers la férocité, pour se dérober à la justice. Dans l’espoir de faire oublier leur complicité, ils excitaient à l’assassinat de leurs complices. Ils rendaient la vengeance nationale illégale et atroce, pour marcher devant elle et pour lui échapper.

Ces exemples doivent inspirer une horreur profonde pour toutes les réactions de ce genre. Elles atteignent quelques criminels, mais elles éternisent le règne du crime ; elles assurent l’impunité aux plus dépravés des coupables, à ceux qui sont prêts toujours à le devenir dans tous les sens.

Les réactions contre les idées sont moins sanglantes,