Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/397

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mais non moins funestes. Par elles les maux individuels deviennent sans fruit, et les calamités générales sans compensation. Après que de grands malheurs ont renversé de nombreux préjugés, elles ramènent ces préjugés sans réparer ces malheurs, et rétablissent les abus sans relever les ruines ; elles rendent à l’homme ses fers, mais des fers ensanglantés.


II

Les devoirs du gouvernement sont très-différents dans ces deux espèces de réactions.

Contre celles qui ont pour objet les hommes, il n’y a qu’un moyen : c’est la justice. Il faut qu’il s’empare des réactions pour ne pas être entraîné par elles. La succession des forfaits peut devenir éternelle, si l’on ne se hâte d’en arrêter le cours.

Mais en remplissant ce devoir, le gouvernement doit se garder d’un écueil dangereux : c’est le mépris des formes et l’appel des opprimés contre les oppresseurs. Il doit contenir les premiers en même temps qu’il les venge.

Un gouvernement faible fait tout le contraire ; il craint de sévir, et souffre qu’on massacre. Par une déplorable timidité, tout en désirant que les scélérats périssent, il veut que le danger de la sévérité ne tombe pas sur lui. Dans l’aveuglement qui accompagne la crainte, l’exagération de son impuissance lui paraît un moyen de sûreté. Il dit à qui lui demande une juste vengeance : Nous ne pouvons punir des forfaits que nous détestons ; c’est dire :