Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/398

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Vengez-vous. Il dit à qui réclame contre des cruautés illégales : Nous ne pouvons vous dérober à une fureur dont nous gémissons ; c’est dire : Défendez-vous. C’est ordonner la guerre civile ; c’est forcer l’innocence au crime, le crime à la résistance, tous les citoyens au meurtre ; c’est proclamer l’empire de la violence, et se rendre responsable de tous les délits qui se commettent. Malheur au gouvernement qui, restant neutre entre les attentats anciens et les attentats nouveaux, ne se sert de son pouvoir que pour se maintenir dans cette neutralité honteuse, et tandis qu’il devrait régir, ne songe qu’à exister !

Il se trompe même dans cette lâche espérance. C’est à tort qu’il croit se faire un parti, en accordant l’impunité à ceux auxquels il refuse la justice. Ces hommes s’irritent de ce qu’il les force à devoir au crime ce que les lois leur avaient promis. Souffrir l’illégalité, tolérer l’arbitraire, n’assure pas même la reconnaissance de qui profite de cette faiblesse.

Le gouvernement réunit ainsi contre lui toutes les haines : celle du coupable qu’il abandonne à un châtiment illégitime : celle de l’innocent, qu’il rend coupable. Il perd le mérite de la sévérité sans en éviter l’odieux.

Lorsque la justice est remplacée par un mouvement populaire, les plus exagérés, les moins scrupuleux, les plus féroces, se mettent à la tête de ce mouvement. Des hommes de sang s’emparent de l’indignation qui s’élève contre les hommes de sang, et après avoir agi contre les individus au mépris des lois, ils tournent leurs armes contre les lois mêmes.

Impassible, mais fort, le gouvernement doit tout faire par sa propre force, n’appeler à son secours aucune force étrangère, tenir dans l’immobilité le parti qu’il