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IV

Rien ne mérite moins de confiance que ce que l’on nomme faussement les gages donnés à une opinion, quand ces gages consistent dans le sacrifice, offert à cette opinion, des principes de la justice et de la morale. À toutes les époques décisives de la révolution, l’on a cru faire merveille en confiant la garde du gouvernement qu’on établissait aux hommes qui, dans leur zèle envers ce gouvernement, avaient commis pour le servir des actes violents, criminels, sanguinaires. Qu’est-il arrivé ? Qu’aussitôt que le danger s’est manifesté, ces hommes ont songé bien moins à conserver le dépôt remis entre leurs mains, qu’à faire oublier, par des actes en sens inverse, leurs crimes passés. Que l’on nous permette une expression triviale : on a dit souvent que les défenseurs d’un régime quelconque étaient ceux qui seraient pendus si le régime était détruit. Consultez les faits, vous verrez, que la peur d’être pendus devient l’idée fixe de ces hommes ; au lieu de demeurer fidèles au régime qui les sauverait, ils mendient le pardon du régime qui les menace ; ils achètent leur grâce par la perfidie ; ils expient leur férocité par la trahison.

La conscience, la morale, l’équité : voilà les seules garanties que les hommes puissent donner. Le régicide n’est point une preuve de dévouement à la république ; la servilité envers le despotisme n’en est point un de