Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/425

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de dévastation qui nous semblaient l’opprobre de l’histoire. L’hypocrisie seule en ferait la différence ; et cette hypocrisie serait d’autant plus corruptrice que personne n’y croirait. Car les mensonges de l’autorité ne sont pas seulement funestes quand ils égarent et trompent les peuples : ils ne le sont pas moins quand ils ne les trompent pas.

Des sujets qui soupçonnent leurs maîtres de duplicité et de perfidie se forment à la perfidie et à la duplicité : celui qui entend nommer le chef qui le gouverne, un grand politique, parce que chaque ligne qu’il publie est une imposture, veut être à son tour un grand politique, dans une sphère plus subalterne ; la vérité lui semble niaiserie, la fraude habileté. Il ne mentait jadis que par intérêt : il mentira désormais par intérêt et par amour-propre. Il aura la fatuité de la fourberie ; et si cette contagion gagne un peuple essentiellement imitateur, un peuple où chacun craigne par-dessus tout de passer pour dupe, la morale privée tardera-t-elle à être engloutie dans le naufrage de la morale publique ?


Des moyens de contrainte nécessaires pour suppléer à l’efficacité du mensonge.

Supposons que néanmoins quelques débris de raisons surnagent, ce sera, sous d’autres rapports, un malheur de plus.

Il faudra que la contrainte supplée à l’insuffisance du sophisme. Chacun cherchant à se dérober à l’obligation de verser son sang dans des expéditions dont on