Page:Constant - Adolphe.djvu/153

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n’ayant de la réalité qu’une idée sourde et confuse, et dans l’état d’un homme accablé de peine, que le sommeil a consolé par un songe, et qui pressent que ce songe va finir. Je découvris tout à coup le château d’Ellénore, dont insensiblement je m’étais rapproché ; je m’arrêtai, je pris une autre route : j’étais heureux de retarder le moment où j’allais entendre de nouveau sa voix.

Le jour s’affaiblissait : le ciel était serein ; la campagne devenait déserte ; les travaux des hommes avaient cessé : ils abandonnaient la nature à elle-même. Mes pensées prirent graduellement une teinte plus grave et plus imposante. Les ombres de la nuit qui s’épaississaient à chaque instant, le vaste silence qui m’environnait et qui n’était interrompu que par des bruits rares et lointains, firent succéder à mon imagination un sentiment plus calme et plus solennel. Je promenais mes regards sur l’horizon grisâtre dont je n’apercevais plus les limites, et qui, par là même,