Page:Constant - Adolphe.djvu/152

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soudain créée s’alliait au contraire à toutes images et sanctionnait tous ces vœux ; elle s’associait à tous mes devoirs, à tous mes plaisirs, à tous mes goûts ; elle rattachait ma vie actuelle à cette époque de ma jeunesse où l’espérance ouvrait devant moi un si vaste avenir, époque dont Ellénore m’avait séparé comme un abîme. Les plus petits détails, les plus petits objets se retraçaient à ma mémoire : je revoyais l’antique château que j’avais habité avec mon père, les bois qui l’entouraient, la rivière qui baignait le pied de ses murailles, les montagnes qui bordaient son horizon ; toutes ces choses me paraissaient tellement présentes, pleines d’une telle vie, qu’elles me causaient un frémissement que j’avais peine à supporter ; et mon imagination plaçait à côté d’elles une créature innocente et jeune qui les embellissait, qui les animait par l’espérance. J’errais plongé dans cette rêverie, toujours sans plan fixe, ne me disant point qu’il fallait rompre avec Ellénore,