Page:Constant - Adolphe.djvu/25

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Mais le mensonge, d’abord si riche en métamorphoses, si habile à se déguiser, si fécond en ressources, devient, de jour en jour, plus maladroit et plus facile à surprendre : il n’est plus qu’une habitude et se passe de volonté.

Le qui-vive perpétuel de cette intimité vigilante épuise enfin les dernières forces des deux adversaires. Ils n’ont plus besoin de s’interroger pour deviner leur mutuelle pensée : ils se disent adieu dans chacun de leurs embrassements.

Heureux, trois fois heureux ceux qui n’ont pas attendu trop tard pour se deviner, et qui se sont quittés à temps ! car ils ont au moins, pour se consoler pendant le reste de la route, le souvenir du bonheur passé ; ils peuvent se rappeler dans une amitié durable un amour évanoui ; ils assistent muets aux funérailles de leur enthousiasme, et en parlent sans amertume comme d’un fils emporté par la guerre.

Mais combien rompent au lieu de dénouer ! combien, s’acharnant à leur amour, bâtissent des haines implacables sur des intimités obstinées !

Si Ellénore se séparait d’Adolphe le jour où elle est sûre de son abandon, elle pourrait encore espérer sur la terre des jours sereins et paisibles ; si elle acceptait franchement la des- -