Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/107

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amour pour son père a toujours occupé la première place. Les paroles semblaient lui manquer quand elle voulait exprimer ce qu’elle éprouvait pour lui. Tous ses autres sentiments étaient modifiés par cette pensée. Son attachement pour la France s’augmentait de l’idée que c’était le pays qu’avait servi son père, et du besoin de voir l’opinion rendre à M. Necker la justice qui lui était due ; elle eût désiré le ramener dans cette contrée où sa présence lui paraissait devoir dissiper toutes les préventions et concilier tous les esprits. Depuis sa mort, l’espoir de faire triompher sa mémoire l’animait et l’encourageait, bien plus que toute perspective de succès personnel : l’histoire de la vie de M. Necker était son occupation constante ; et, dans cette affreuse maladie qu’une nature inexorable semblait avoir compliquée pour épuiser sur elle toutes les souffrances, son regret habituel était de n’avoir pu achever le monument que son amour filial s’était flatté d’ériger. Je viens de relire l’introduction qu’elle a placée à la tête des manuscrits de son père. Je ne sais si je me trompe, mais ces pages me semblent plus propres à la faire apprécier, à la faire chérir de ceux mêmes qui ne l’ont pas connue, que tout ce qu’elle a publié de plus éloquent, de plus entraînant sur d’autres sujets ; son âme et son talent s’y peignent tout entiers. La finesse de ses aperçus, l’étonnante variété