cette raison qui semble les sortir de l’enfance, pour les porter de plein saut dans l’âge mûr. Le caractère de Corinne une fois établi, il fallait, pour donner à l’ouvrage le plus vif degré d’intérêt, lui opposer un caractère assez semblable au sien, pour sentir tout son charme et se mêler à ses impressions, et néanmoins assez différent par ses penchants, ses habitudes, ses opinions, ses principes même, pour que ces différences amenassent des difficultés que ni les circonstances, ni la situation ne pouvaient produire. Ce caractère ne pouvait être celui d’un Français, d’un Allemand ou d’un Italien. En France, l’opinion est tranchante dans les formes, mais elle permet beaucoup de dédommagement à ceux qui s’écartent de ses règles, pourvu qu’ils ne disputent pas son autorité. Corinne était isolée, indépendante. Un Français amoureux de Corinne, et parvenant à lui inspirer un sentiment profond et durable, n’eût vraisemblablement travaillé qu’à la séduire. En Allemagne, les seules distinctions fortement marquées sont celles des rangs. L’opinion, d’ailleurs, est assez indulgente, et tout ce qui sort de la règle commune est plutôt accueilli avec bienveillance que traité avec défaveur. Un Allemand eût donc épousé Corinne, ou, s’il eût été retenu par des considérations tirées de l’obscurité qui enveloppait sa naissance, son hésitation ne reposant que sur des motifs de convenance extérieure, eût été d’un
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