Page:Constant - De l'esprit de conquête, Ficker, 1914.djvu/51

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première examine avec inquiétude et en détail.

Les conquérans de l’antiquité, satisfaits d’une obéissance générale, ne s’informoient pas de la vie domestique de leurs esclaves ni de leurs relations locales. Les peuples soumis retrouvoient presqu’en entier, au fond de leurs provinces lointaines, ce qui constitue le charme de la vie, les habitudes de l’enfance, les pratiques consacrées, cet entourage de souvenirs, qui, malgré l’assujettissement politique, conserve à un pays l’air d’une patrie.

Les conquérans de nos jours, peuples ou princes, veulent que leur empire ne présente qu’une surface unie, sur laquelle l’œil superbe du pouvoir se promène, sans rencontrer aucune inégalité qui le blesse ou borne sa vue. Le même code, les mêmes mesures, les mêmes réglemens et, si l’on peut y parvenir, graduellement la même langue, voilà ce qu’on proclame la perfection de toute organisation sociale. La religion fait exception ; peut-être est-ce parce qu’on la méprise, la regardant comme une erreur usée, qu’il faut laisser mourir en paix. Mais cette exception est la seule ; et l’on s’en dédommage, en séparant, le plus qu’on le peut, la religion des intérêts de la terre.

Sur tout le reste, le grand mot aujourd’hui, c’est l’uniformité. C’est dommage qu’on ne