Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/123

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un arrangement, ma chère grand’maman : prenez un peu de ma santé, et donnez-moi en échange dix de vos années. Je gagnerais à ce troc, j’aurais plus de raison, et ayant appris le latin et le grec et tout ce qu’il faut savoir, je vivrais avec vous, et vous m’enseigneriez des choses plus essentielles ; car que m’importe ce que les anciens ont pensé, je ne dois pas vivre avec eux. Aussi je crois que je les planterai là dès que je serai en âge de vivre avec les vivants.

Je voudrais bien voir toutes les jolies choses que vous avez faites au Désert et courir avec vous dans les bois. Mon endroit favori serait certainement le Mangeron : ce nom réveille mon appétit, et vous savez que je suis gourmand. Après quoi j’irai rêver à Belle Ombre. Mais ce que j’aimerais encore mieux serait de faire des songes avec vous. C’est ce que j’ai le mieux retenu, parce que cela était plus de mon goût.


Lettres de Benjamin Constant à sa famille (1775–1850), précédées d’une introduction d’après des lettres et des documents inédits, par Jean-H. Menos, in-18, Albert Savine, Paris, 18, rue Prouot, 1888.