fusse moins abandonné à toutes les impressions qui m’agitaient, j’aurais peut-être achevé en deux ans un très mauvais livre, qui m’aurait fait une petite réputation éphémère dont j’eusse été bien satisfait. Une fois engagé par amour-propre, je n’aurais pu changer d’opinion : et le premier paradoxe ainsi adopté m’aurait enchaîné pour toute ma vie.
Si la paresse a des inconvénients, elle a bien aussi des avantages. Je ne me bornai pas longtemps à mener une vie paisible et studieuse, de nouvelles amours vinrent me distraire, et comme j’avais trois ans de plus qu’à Erlangen, je fis aussi trois fois plus de folies. L’objet de ma passion était une Anglaise, d’environ trente à trente-cinq ans, femme de l’ambassadeur d’Angleterre à Turin. Elle avait été très belle et avait encore un très joli regard, des dents superbes, et un charmant sourire. Sa maison était fort agréable, on y jouait beaucoup, de sorte que je trouvais à y contenter un goût plus vif encore que celui que la dame elle-même m’inspirait.
Madame Trevor était extrêmement coquette et avait le petit esprit fin et maniéré que la coquetterie donne aux femmes qui n’en ont pas