Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/36

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d’autre. Elle vivait assez mal avec son mari dont elle était presque toujours séparée, et il y avait toujours à sa suite cinq ou six jeunes Anglais. Je commençai par me jeter dans sa société parce qu’elle était plus brillante et plus animée que toute autre à Lausanne. Ensuite, voyant que la plupart des jeunes gens qui l’entouraient lui faisaient la cour, je me mis en tête de lui plaire. Je lui écrivis une belle lettre pour lui déclarer que j’étais amoureux d’elle. Je lui remis cette lettre un soir, et retournai le lendemain pour recevoir sa réponse. L’agitation que me causait l’incertitude sur le résultat de ma démarche m’avait donné une sorte de fièvre qui ressemblait assez à la passion que d’abord je n’avais voulu que feindre. Madame Trevor me répondit par écrit, comme cela était indiqué dans la circonstance. Elle me parlait de ses liens et m’offrait la plus tendre amitié. J’aurais dû ne pas m’arrêter à ce mot et voir jusqu’où cette amitié nous aurait conduits. Au lieu de cela, je crus adroit de montrer le plus violent désespoir de ce qu’elle ne m’offrait que de l’amitié en échange de mon amour : et me voilà à me rouler par terre et à me frapper la tête contre la muraille sur ce