Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/53

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lorsque je voyais Mademoiselle Pourras, je ne lui disais pas un mot qui eût du rapport avec mes lettres. Sa mère me laissait toujours seul avec elle, malgré mes extravagantes propositions dont sûrement elle avait connaissance, et c’est ce qui me confirme dans l’idée que j’aurais pu encore réussir. Mais loin de profiter de ces occasions, je devenais, dès que je me trouvais seul avec Mademoiselle Pourras, d’une timidité extrême. Je ne lui parlais que de choses insignifiantes et je ne faisais pas même une allusion aux lettres que je lui écrivais chaque jour, ni au sentiment qui me dictait ces lettres.

Enfin, une circonstance dans laquelle je n’étais pour rien, amena une crise qui termina tout. Madame Pourras, qui avait été galante toute sa vie, avait encore un amant en titre. Depuis que je lui avais demandé sa fille, elle avait continué à me traiter avec amitié, avait toujours paru ignorer mon absurde correspondance et, pendant que j’écrivais tous les jours à la fille pour lui proposer de l’enlever, je prenais la mère pour confidente de mon sentiment et de mon malheur : le tout, je dois le dire, sans aucune réflexion et sans la moindre mauvaise