Page:Constant - Le Cahier rouge, éd. Constant de Rebecque.djvu/98

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de me plaindre d’y être. Je me souviens encore de l’impression que cette réponse produisit sur moi. Pour la première fois je me voyais à la merci d’un autre qui me le faisait sentir. Ce n’est pas que Kentish voulût précisément m’abandonner, mais il ne me cachait, en m’offrant encore ses secours, ni sa désapprobation de ma conduite, ni la pitié qui le décidait à me secourir, et son assistance était revêtue des formes les plus blessantes. Pour se dispenser de me prêter un sol, il me proposa de venir dîner chez lui tous les jours et pour me faire sentir qu’il ne me regardait pas comme un ami qu’on invite, mais comme un pauvre qu’on nourrit, il affecta de n’avoir à dîner, pendant cinq à six jours, que ce qu’il fallait pour sa femme et pour lui, en répétant que son ménage n’était arrangé que pour deux personnes.

Je supportai cette insolence, parce que j’avais écrit aux banquiers, malgré la défense de mon père, et que j’espérais me retrouver en état de faire sentir à mon prétendu bienfaiteur ce que ses procédés m’inspiraient. Mais ces malheureux banquiers étant, ou se disant à la campagne, me firent attendre leur réponse toute une semaine.