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Page:Contejean - Tunis et Carthage. Notes de voyage, 1886.pdf/11

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un roulement sur le tambour de basque accompagne cet intermède. Les auditeurs paraissent y prendre un plaisir extrême, immobiles et attentifs comme jadis leurs prédécesseurs sur cette terre d’Afrique, aux récits du pieux Énée. Mon gamin assure que ces rhapsodes disent de fort bonnes choses.

Le marché du quartier franc recevait aussi mes visites. C’est là que vont s’approvisionner les ménagères européennes, la plupart accompagnées d’un nègre qui porte leurs acquisitions dans un énorme cabas en natte. On y trouve de tout : objets mobilière, tapis, soieries, bijoux, parfumerie, épicerie, fruits et légumes, viande et poisson. La foule est grande, surtout dans la cour centrale, où stationnent les bourricots et les chameaux ; ces derniers accroupis, et faisant entendre, dès qu’on les touche, leur grondement rauque et prolongé. Ce sont d’ailleurs les plus inoffensifs des animaux ; ils vont parfaitement libres, et pendant un séjour de plusieurs semaines en Tunisie et en Algérie, je ne leur ai jamais vu ces brides et ces licous dont on les affuble dans nos publications illustrées. Un quartier spécial est réservé au marché de l’huile, hideux, suintant et mal odorant, comme d’ailleurs les hommes à moitié nus qui manient la marchandise, laquelle est renfermée dans des outres gluantes et crasseuses. On en met des charges énormes sur le dos de bourricots minuscules, dont la force est vraiment étonnante. Ces vaillants serviteurs sont également employés comme montures ; ils accompagnent les caravanes, et souvent on les voit porter à califourchon sur leur croupe des individus beaucoup plus gros qu’eux.

J’allais quelquefois passer mes soirées au théâtre français et au théâtre italien. Celui-ci est une dépendance d’un grand café de l’avenue de la Marine ; il consiste simplement en une vaste cour à ciel ouvert, garnie de chaises alignées. La scène est assez grande, et les décors ne laissent rien à désirer. Une fort bonne troupe y joue la comédie, et l’orchestre est plus que suffisant. Je voudrais pouvoir en dire autant du théâtre français. On y donnait la Mascotte. Également installé derrière un café de l’avenue, mais du côté français, ce théâtre n’est qu’une sorte de hangar couvert, entouré d’arbustes et de bananiers, qui sont d’un effet charmant à la lumière du gaz. C’est ici que jouait autrefois la troupe italienne, et qu’eut lieu la fameuse démonstration entre les officiers français qui faillit s’élever à la hauteur d’un événement politique.

— Mais il est temps de sortir de la ville. Les environs immédiats n’offrent guère que trois localités intéressantes : la Marsa, Hammam-el-Lif et Carthage.

La première est située à 18 kilomètres au nord-est de Tunis, dans une vallée largement ouverte entre le promontoire de Kamart et celui de Carthage ; elle occupe une partie de l’emplacement de la célèbre cité. Il y a là une belle plage où l’on va prendre les bains de mer, un joli café arabe et beaucoup de résidences au milieu de superbes jardins, notam-