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Page:Contejean - Tunis et Carthage. Notes de voyage, 1886.pdf/12

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ment celle du Bey, celle du gouverneur français et celle du cardinal Lavigerie.

La localité d’Hammam-el-Lif est située à 16 kilomètres au sud-est de Tunis, au fond du golfe et au pied de la montagne crétacée du Djébel-Bou-Kournaïn, que ces deux sommets jumeaux ont fait appeler montagne de la selle. Elle ne consiste guère qu’en un grand palais crénelé blanchi à la chaux, aujourd’hui inhabité, et en un établissement thermal alimenté par les sources chaudes de la montagne. Le site est charmant, et les bains de mer attirent de nombreux amateurs, qui viennent se délasser d’une journée de chaleur et de poussière. J’y rencontrais presque toujours quelque compagnon de traversée. On y va en chemin de fer, et l’on rentre à la tombée de la nuit.

Je termine par Carthage, et pour cause. Telle était mon impatience de contempler ces ruines fameuses, que j’y allais dès le lendemain de mon arrivée. Au sortir de l’hôtel je trouve Félix qui m’attendait. Il ne savait rien de mes projets, mais ces gens-là ont un flair diabolique. — Vous allez à Carthage, monsieur ? — Oui. — Je vais vous y conduire. — Non, je n’ai pas besoin de toi. — Si, je vais vous y conduire. — Eh bien, allons ! — Et je n’eus pas à me repentir de ma condescendance : si l’on peut à la rigueur se passer de guide à Carthage, au moins est-il extrêmement commode d’en avoir un. Nous voilà donc en route, et de grand matin. On prend le chemin de fer italien, qui se dirige au nord-est en longeant les bords du Bahira. Limpide et azurée comme la mer, cette belle nappe d’eau donne asile à de grandes troupes de flamants, dont nous nous efforçons en vain de découvrir quelque individu, ces singuliers oiseaux émigrant souvent de l’une à l’autre des nombreuses lagunes de la contrée. Les rives sont largement envahies par une triste et maigre végétation de cypéracées, de joncs, de soudes épineuses, de salicornes, de statices et autres plantes maritimes dont la couleur sombre contraste avec la teinte blanchâtre de la campagne avoisinante. Les champs dépouillés de leur récolte, et sur lesquels paissent des moutons dont la queue n’est qu’une énorme masse de graisse, nourrissent de vieux oliviers très clair-semés, noirâtres, ébranchés et tous inclinés du côté opposé à la mer. Il y a aussi beaucoup de grands espaces nus et stériles, où affleure un sous-sol d’argile et de calcaire grumeleux. On franchit les ruines bouleversées et presque méconnaissables de l’aqueduc d’Hadrien, et le convoi s’arrête au milieu des villas et des jardins de la Marsa, pour rebrousser ensuite sur la Goulette. Quelques instants après nous descendons à la petite station de la Malka, située à l’ouest et au pied de la colline de Byrsa, à 14 kilomètres de Tunis, et dans l’enceinte même de Carthage.

La ville antique occupait une presqu’île limitée à l’est par la Méditerranée, au sud par le Bahira et au nord par une autre lagune salée, la Sebka-er-Rouan, jadis en communication avec la mer, et où certains auteurs placent le port de Ruscinona, dans lequel mouilla la flotte qui