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Page:Contejean - Tunis et Carthage. Notes de voyage, 1886.pdf/16

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entourées de palmiers et de cactus apparaissent comme autant d’îles de verdure. À notre droite, les bassins des ports reflètent des lueurs éblouissantes ; puis ce sont les édifices déjà lointains et les navires de la Goulette ; un peu en arrière, Tunis et son lac ; plus au sud, la montagne à double sommet du Djebel-Bou-Kournaïn ; enfin, à l’extrême horizon, la masse azurée du Djébel-Zaghouan. Le ciel est d’une admirable sérénité ; la limpidité de l’air donne aux contours des montagnes une netteté inimaginable et en laisse distinguer les moindres détails ; une brise assez forte aide à supporter la chaleur, qui est très vive.

Nous sonnons à la porte du couvent. Un jeune nègre nous introduit dans une grande cour dont les murailles sont incrustées d’innombrables inscriptions puniques, romaines et chrétiennes, de stèles, de reliefs, de frises, de chapiteaux, de sculptures ; il y a en outre sur le sol beaucoup d’objets plus volumineux, tels que bustes, statues, fûts de colonnes. Au milieu s’élève la chapelle de Saint-Louis, et, dans le fond, le grand édifice à arcades habité par les religieux. L’espace intermédiaire est occupé par un jardin planté de beaux dattiers, où bondit une jolie gazelle. J’avais un mot de recommandation à l’adresse du père Delattre, le savant archéologue de Carthage ; malheureusement il est en voyage pour quelques jours, et, en son absence, le musée qu’il a créé reste fermé. J’y reviendrai. Un jeune père, qui étudie également l’archéologie locale, veut bien me faire les honneurs de la maison. Ces messieurs sont superbes dans leurs grands vêtements arabes en laine blanche ; on regrette seulement que la chéchia tunisienne qu’ils portaient dans le principe ait été remplacée par le vulgaire chapeau de curé. Nous montons d’abord à la chapelle de Saint-Louis, construite en 1812 sur un terrain cédé à la France en toute propriété. L’édifice n’a d’ailleurs rien de remarquable : il est de forme octogone, avec coupole ; au-dessus de l’autel figure la statue en marbre du saint roi ; la chapelle renferme en outre le tombeau du père de M. de Lesseps. C’est un simple monument commémoratif, car on ne sait pas au juste où mourut Louis IX. À côté, une profonde tranchée a mis au jour plusieurs absides du temple d’Echmoun, encore appelé temple d’Esculape, qui dominait la ville et l’acropole ; elles sont construites en grandes pierres de taille admirablement ajustées. Notre guide complaisant me conduit ensuite au dehors. Du côté nord-ouest, au pied même du mur d’enceinte du couvent, des ouvriers aplanissent une grande surface en carré long destinée à servir d’assise à une cathédrale. Les travaux commencent à peine, et déjà le sol est jonché de marbres, de chapiteaux, de tuiles et de poteries. À peu de distance, une fouille récente a mis au jour, sur le flanc de la colline, un tombeau phénicien en dalles énormes, assemblées de manière à former un sarcophage rectangulaire surmonté d’un toit fort aigu. Mais l’heure est déjà avancée, et Félix me fait observer que nous sommes encore à plusieurs kilomètres de la Goulette, où nous attend le déjeuner. Certains appels intérieurs me