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disaient la même chose. Je prends donc congé du jeune père, et nous nous mettons en route pour les citernes de l’est, qu’on aperçoit au bas d’une faible colline.

Cependant, plus à gauche, d’autres excavations se font remarquer à mi-côte de la grande ondulation où l’on place le temple de Saturne. Pour y aller, il faut descendre la pente assez raide de la vallée qui nous en sépare, et remonter le versant opposé : passablement de peine pour un mince résultat, ces ouvertures appartenant à une de ces petites citernes qu’on rencontre ici à chaque instant. Heureusement se présente une ample compensation. Visible même depuis Saint-Louis, une profonde échancrure en demi-cercle entame un peu plus loin le revers méridional de la colline. C’est un théâtre, à n’en pas douter, mais si énorme, qu’au premier abord on peut hésiter à le prendre pour tel. Celui de Syracuse a certainement des dimensions plus restreintes. Cependant l’hémicycle est parfaitement régulier, les deux massifs des entrées latérales et celui du milieu se distinguent nettement. Serai-je taxé d’outrecuidance si je confesse la satisfaction que j’éprouvai, en apprenant quelques jours plus tard, du père Delattre, que ce théâtre n’était connu que de lui seul, ne se trouvait mentionné nulle part et ne figurait sur aucune carte ? Et cependant il crève les yeux.

Les citernes ne sont pas loin : une pente à descendre, une autre à remonter. Ce sont, assurément, les plus prodigieuses qui existent, et sans doute les plus grandes qui aient existé après celles de la Malka. Elles consistent en dix huit bassins disposés en deux rangées et couverts de grandes voûtes percées, chacun de 30 mètres de longueur sur 7, 50 de largeur et 12 de profondeur ; il y a en outre au centre et aux extrémités 6 autres fosses circulaires de même profondeur, qu’on suppose avoir servi à filtrer l’eau. Un chemin de ronde entoure les fosses et les bassins, une allée médiane permet également de circuler entre les deux rangées. On dit que le monument est de construction phénicienne dans le bas et de construction romaine dans le haut ; mais l’exactitude de la première assertion peut sembler difficile à vérifier, attendu que la couche d’enduit qui revêt l’intérieur des bassins est si parfaitement intacte, que la plupart sont à moitié pleins d’une eau pluviale, quelquefois utilisée par les Arabes. On remarque divers travaux de restauration exécutés à des époques assez récentes, ainsi que le témoignent les nombreux morceaux de marbre antique employés comme moellons dans les allées latérales.

Mais il est temps de battre en retraite. Nous coupons au plus court à travers champs dans la direction de la Goulette, laissant à gauche les tranchées de MM. Babelon et Reinach, et, plus près du rivage, une ligne de ruines bouleversées appartenant peut-être à quelque aqueduc. Il faut remonter les pentes de Byrsa, puis redescendre dans la direction des ports. Chemin faisant, nous emplissons nos poches de dés de mosaïques,