Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/269

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« Si vous voulez me reporter avec mes camarades, je vous dirai en deux mots que vos œillets sont dans la paillasse de Bedou. » Fortunée, au désespoir, ne savait comment les reprendre ; elle eut la bonté de planter le chou, et ensuite elle prit la poule favorite de son frère, et lui dit : « Méchante bête, je vais te faire payer tous les chagrins que Bedou me donne. — Ah ! bergère, dit la poule, laissez-moi vivre, et comme mon humeur est de caqueter, je vais vous apprendre des choses surprenantes.

« Ne croyez pas être fille du laboureur chez qui vous avez été nourrie ; non, belle Fortunée, il n’est point votre père ; mais la reine qui vous donna le jour, avait déjà eu six filles ; et comme si elle eût été la maîtresse d’avoir un garçon, son mari et son beau-père lui dirent qu’ils la poignarderaient, à moins qu’elle ne leur donnât un héritier. La pauvre reine affligée devint grosse ; on l’enferma dans un château, et l’on mit auprès d’elle des gardes, ou pour mieux dire des bourreaux, qui avaient ordre de la tuer, si elle avait encore une fille.

« Cette princesse alarmée du malheur qui la menaçait, ne mangeait et ne dormait plus ; elle avait une sœur qui était fée ; elle lui écrivit ses justes craintes ; la fée, étant grosse, savait bien qu’elle aurait un fils : lorsqu’elle fut accouchée, elle chargea les zéphirs d’une corbeille, où elle enferma son fils bien proprement, et elle leur donna ordre qu’ils portassent le petit prince dans la chambre de la reine, afin de le changer contre la fille qu’elle aurait : cette prévoyance ne servit de rien, parce que la reine ne recevant aucune nouvelle de sa sœur la fée, profita de la