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MADAME D’AULNOY.

dépit, elle ne cherchât à le casser ; de sorte qu’on disait ordinairement : « Le singe est toujours singe, Babiole ne saurait se défaire de la malice naturelle à ceux de sa famille. »

Le prince étant devenu grand, il aimait la chasse, le bal, la comédie, les armes, les livres ; et, pour la guenuche, il n’en était presque plus mention. Les choses allaient bien différemment de son côté ; elle l’aimait mieux à douze ans qu’elle ne l’avait aimé à six ; elle lui faisait quelquefois des reproches de son oubli ; il croyait en être fort justifié en lui donnant, pour toute raison, une pomme d’api ou des marrons glacés.

Enfin, la réputation de Babiole fit du bruit au royaume des guenons ; le roi Magot eut grande envie de l’épouser, et, dans ce dessein, il envoya une célèbre ambassade pour l’obtenir de la reine. Il n’eut pas de peine à faire entendre ses intentions à son premier ministre ; mais il en aurait eu d’infinies à les exprimer sans le secours des perroquets et des pies, vulgairement appelées margots ; celles-ci jasaient beaucoup, et les geais qui suivaient l’équipage auraient été bien fâchés de caqueter moins qu’elles.

Un gros singe, appelé Mirlifiche, fut chef de l’ambassade : il fit faire un carrosse de cartes, sur lequel on peignit les amours du roi Magot avec Monette Guenuche, fameuse dans l’empire Magotique : elle mourut impitoyablement sous la griffe d’un chat sauvage peu accoutumé à ses espiègleries. L’on avait donc représenté les douceurs que Magot et Monette avaient goûtées pendant leur mariage, et le bon naturel avec lequel ce roi l’avait pleurée après son trépas. Six lapins blancs d’une excellente garenne traînaient ce carrosse, appelé par honneur carrosse du corps. On voyait ensuite un chariot de paille peint de plusieurs couleurs, dans lequel étaient les guenons destinées à Babiole ; il fallait voir comme elles étaient parées, il paraissait vraiment bien qu’elles venaient à la noce. Le reste du cortège était composé de petits épagneuls, de levrons, de chats d’Espagne, de rats de Moscovie, de quelques hérissons, de subtiles belettes, de friands renards ; les uns menaient les chariots, les autres portaient le bagage. Mirlifiche, sur le tout, plus grave qu’un dictateur romain, plus sage qu’un Caton, montait un jeune levraut qui allait mieux l’amble qu’aucun guildain d’Angleterre.

La reine ne savait rien de cette magnifique ambassade. Lorsqu’elle parvint jusqu’à son palais, les éclats de rire du peuple et de ses gardes l’ayant obligée de mettre la tête à la fenêtre, elle vit la plus extraordinaire cavalcade qu’elle eût vue de ses jours. Aussitôt, Mirlifiche, suivi