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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/283

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BABIOLE.

Babiole, qui de son côté se trouvait si interdite, qu’on ne l’a jamais été davantage ; la reine voulut savoir son sentiment avant que de répondre. Elle dit à Perroquet de faire entendre à M. l’ambassadeur qu’elle favoriserait les prétentions de son roi en tout ce qui dépendrait d’elle. L’audience finie, elle se retira, et Babiole la suivit dans son cabinet. « Ma petite guenuche, lui dit-elle, je t’avoue que j’aurai bien du regret de ton éloignement ; mais il n’y a pas moyen de refuser le magot qui te demande en mariage, car je n’ai pas encore oublié que son père mit deux cent mille singes en campagne pour soutenir une grande guerre contre le mien ; ils mangèrent tant de nos sujets, que nous fûmes obligés de faire une paix assez honteuse. — Cela signifie, madame, répliqua impatiemment Babiole, que vous êtes résolue de me sacrifier à ce vilain monstre pour éviter sa colère ; mais je supplie au moins Votre Majesté de m’accorder quelques jours pour prendre ma dernière résolution. — Cela est juste, dit la reine ; néanmoins, si tu veux m’en croire, détermine-toi promptement ; considère les honneurs qu’on te prépare ; la magnificence de l’ambassade, et quelles dames d’honneur on t’envoie ; je suis sûre que jamais Magot n’a fait pour Monette ce qu’il fait pour toi. — Je ne sais ce qu’il a fait pour Monette, répondit dédaigneusement la petite Babiole, mais je sais bien que je suis peu touchée des sentiments dont il me distingue. »

Elle se leva aussitôt, et faisant la révérence de bonne grâce, elle fut chercher le prince pour lui conter ses douleurs. Dès qu’il la vit, il s’écria : « Eh bien, ma Babiole, quand danserons-nous tous à ta noce ? — Je l’ignore, seigneur, lui dit-elle tristement ; mais l’état où je me trouve est si déplorable, que je ne suis plus la maîtresse de vous taire mon secret, et quoi qu’il en coûte à ma pudeur, il faut que je vous avoue que vous êtes le seul que je puisse souhaiter pour époux. — Pour époux ! dit le prince, en s’éclatant de rire ; pour époux, ma guenuche ! je suis charmé de ce que tu me dis ; j’espère cependant que tu m’excuseras si je n’accepte point le parti ; car enfin notre taille, notre air et nos manières ne sont pas tout à fait convenables. — J’en demeure d’accord, dit-elle, et surtout nos cœurs ne se ressemblent point ; vous êtes un ingrat, il y a longtemps que je m’en aperçois, et je suis bien extravagante de pouvoir aimer un prince qui le mérite si peu. — Mais, Babiole, dit-il, songe à la peine que j’aurais de te voir perchée sur la pointe d’un sycomore, tenant une branche par le bout de la queue : crois-moi, tournons cette affaire en raillerie pour ton honneur et pour le mien, épouse