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MADAME D’AULNOY.

le roi Magot, et en faveur de la bonne amitié qui est entre nous, envoie-moi le premier magotin de ta façon. — Vous êtes heureux, seigneur, ajouta Babiole, que je n’aie pas tout à fait l’esprit d’une guenuche, une autre que moi vous aurait déjà crevé les yeux, mordu le nez, arraché les oreilles ; mais je vous abandonne aux réflexions que vous ferez un jour sur votre indigne procédé. » Elle n’en put dire davantage, sa gouvernante vint la chercher, l’ambassadeur Mirlifiche s’était rendu dans son appartement, avec des présents magnifiques.

Il y avait une toilette de réseaux d’araignée, brodée de petits vers luisants, une coque d’œuf renfermait les peignes, un bigarreau servait de pelote, et tout le linge était garni de dentelles de papier : il y avait encore dans une corbeille plusieurs coquilles proprement assorties, les unes pour servir de pendants d’oreilles, les autres de poinçons, et cela brillait comme des diamants : ce qui était bien meilleur, c’était une douzaine de boîtes pleines de confitures, avec un petit coffre de verre dans lequel étaient renfermées une noisette et une olive, mais la clé était perdue et Babiole s’en mit peu en peine.

L’ambassadeur lui fit entendre en grommelant, qui est la langue dont on se sert en Magotie, que son monarque était plus touché de ses charmes qu’il l’eût été, de sa vie, d’aucune guenon ; qu’il lui faisait bâtir un palais au plus haut d’un sapin ; qu’il lui envoyait ces présents et même de bonnes confitures pour lui marquer son attachement ; qu’ainsi le roi son maître ne pouvait lui témoigner mieux son amitié. « Mais, ajouta-t-il, la plus forte preuve de sa tendresse, et à laquelle vous devez être la plus sensible, c’est, madame, au soin qu’il a pris de se faire peindre pour vous avancer le plaisir de le voir. » Aussitôt il déploya le portrait du roi des singes assis sur un gros billot, tenant une pomme qu’il mangeait.

Babiole détourna les yeux pour ne pas regarder plus longtemps une figure si désagréable, et, grondant trois ou quatre fois, elle fit entendre à Mirlifiche qu’elle était obligée à son maître de son estime, mais qu’elle n’avait pas encore déterminé si elle voulait se marier.

Cependant la reine avait résolu de ne se point attirer la colère des singes, et, ne croyant pas qu’il fallût beaucoup de cérémonies pour envoyer Babiole où elle voulait qu’elle allât, elle fit préparer tout pour son départ. À ces nouvelles, le désespoir s’empara tout à fait de son cœur. Les mépris du prince d’un côté, de l’autre l’indifférence de la reine, et, plus que tout cela, un tel époux, lui firent prendre la résolution de s’en-