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MADAME D’AULNOY.

et des chiens dans le jardin, avec ordre de prendre tous les singes. Les chiens en firent un horrible carnage et le reste de la troupe fut faite prisonnière par les gardes qui jetèrent de grands filets sur les arbres ; la chasse fut bientôt faite, et, malgré le respect dû à la qualité d’ambassadeur, ce caractère se trouva fort méprisé en la personne de Mirlifiche, que l’on jeta impitoyablement dans le fond d’une cave sous un grand poinçon vide, où lui et ses camarades furent emprisonnés, avec les dames guenuches et les demoiselles guenuchonnes, qui accompagnaient Babiole.

À son égard elle ressentait une joie secrète de ce nouveau désordre ; quand les disgrâces sont à un certain point, l’on n’appréhende plus rien, et la mort même peut être envisagée comme un bien ; c’est la situation où elle se trouvait, le cœur occupé du prince qui l’avait méprisée, et l’esprit rempli de l’affreuse idée du roi Magot dont elle était sur le point de devenir la femme.

Au reste, il ne faut pas oublier de dire que son habit était si joli et ses manières si peu communes, que ceux qui l’avaient prise s’arrêtèrent à la considérer comme quelque chose de merveilleux, et lorsqu’elle leur parla, ce fut bien un autre étonnement, ils avaient déjà entendu parler de l’admirable Babiole. La reine qui l’avait trouvée et qui ne savait point la métamorphose de sa nièce, avait écrit très-souvent à sa sœur qu’elle possédait une guenuche merveilleuse, et qu’elle la priait de la venir voir ; mais la reine affligée passait cet article sans le vouloir lire. Enfin les gardes, ravis d’admiration, portèrent Babiole dans une grande galerie ; ils y firent un petit trône ; elle s’y plaça plutôt en souveraine qu’en guenuche prisonnière, et la reine, venant à passer, demeura si vivement surprise de sa jolie figure et du gracieux compliment qu’elle lui fit, que, malgré elle, la nature parla en faveur de l’infante.

Elle la prit entre ses bras. La petite créature, animée de son côté par des mouvements qu’elle n’avait point encore ressentis, se jeta à son cou et lui dit des choses si tendres et si engageantes, qu’elle faisait l’admiration de tous ceux qui l’entendaient. « Non, madame, s’écriait-elle, ce n’est point la peur d’une mort prochaine, dont j’apprends que vous menacez l’infortunée race des singes, qui m’effraye et qui m’engage de chercher les moyens de vous plaire et de vous adoucir ; la fin de ma vie n’est pas le plus grand malheur qui puisse m’arriver, et j’ai des sentiments si fort au-dessus de ce que je suis, que je regretterais la moindre démarche pour ma conservation ; c’est donc par rapport à vous seule, ma-