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BABIOLE.

menât malgré elle au roi Magot. Elle alla tant et tant, sans suivre ni chemin ni sentier, qu’elle arriva dans un grand désert où il n’y avait ni maison, ni arbre, ni fruits, ni herbe, ni fontaine : elle s’y engagea sans réflexion, et lorsqu’elle commença d’avoir faim, elle connut, mais trop tard, qu’il y avait bien de l’imprudence à voyager dans un tel pays.

Deux jours et deux nuits s’écoulèrent, sans qu’elle pût même attraper un vermisseau ni un moucheron. La crainte de la mort la prit ; elle était si faible qu’elle s’évanouissait. Elle se coucha par terre, et, venant à se souvenir de l’olive et de la noisette qui étaient encore dans le petit coffre de verre, elle jugea qu’elle en pourrait faire un léger repas. Toute joyeuse de ce rayon d’espérance, elle prit une pierre, mit le coffre en pièces, et croqua l’olive.

Mais elle y eut à peine donné un coup de dent, qu’il en sortit une si grande abondance d’huile parfumée, que, tombant sur ses pattes, elles devinrent les plus belles mains du monde. Sa surprise fut extrême : elle prit de cette huile et s’en frotta tout entière. Merveille ! merveille ! Elle se rendit sur-le-champ si belle, que rien dans l’univers ne pouvait l’égaler ; elle se sentait de grands yeux, une petite bouche, le nez bien fait. Elle mourait d’envie d’avoir un miroir ; enfin elle s’avisa d’en faire un du plus grand morceau de verre de son coffre. Oh ! quand elle se vit, quelle joie ! quelle surprise agréable ! Ses habits grandirent comme elle ; elle était bien coiffée, ses cheveux faisaient mille boucles, son teint avait la fraîcheur des fleurs du printemps.

Les premiers moments de sa surprise étant passés, la faim se fit ressentir plus pressante, et ses regrets augmentèrent étrangement. « Quoi ! disait-elle, si belle et si jeune, née princesse comme je le suis, il faut que je périsse dans ces tristes lieux ! Oh ! barbare fortune qui m’as conduite ici, qu’ordonnes-tu de mon sort ? Est-ce pour m’affliger davantage que tu as fait un changement si heureux et si inespéré en moi ? Et toi, vénérable fleuve Biroqua, qui me sauvas la vie si généreusement, me laisseras-tu périr dans cette affreuse solitude ? »

L’infante demandait inutilement du secours : tout était sourd à sa voix. La nécessité de manger la tourmentait à tel point, qu’elle prit la noisette et la cassa ; mais, en jetant la coquille, elle fut bien surprise d’en voir sortir des architectes, des peintres, des maçons, des tapissiers, des sculpteurs, et mille autres sortes d’ouvriers ; les uns dessinent un palais, les autres le bâtissent, d’autres le meublent ; ceux-là peignent