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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/290

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MADAME D’AULNOY.

fourra avec elle, l’on n’y prit pas seulement garde, tant elle était petite.

Quand la reine fut revenue de la longue pâmoison où le discours de cette princesse l’avait jetée, elle voulut rester seule avec les dames qui savaient le secret de la fatale naissance de sa fille ; elle leur raconta ce qui lui était arrivé, ce dont elles demeurèrent si éperdues, qu’elles ne savaient quel conseil lui donner.

Mais elle leur commanda de lui dire ce qu’elles croyaient à propos de faire dans une conjoncture si triste. Les unes dirent qu’il fallait étouffer la guenuche, d’autres la renfermer dans un trou, d’autres encore la voulaient renvoyer à la mer. La reine pleurait et sanglotait. « Elle a tant d’esprit ! disait-elle ; quel dommage de la voir réduite, par un bouquet enchanté, dans ce misérable état !… Mais au fond, continuait-elle, c’est ma fille, c’est mon sang, c’est moi qui lui ai attiré l’indignation de la méchante Fanfreluche ; est-il juste qu’elle souffre de la haine que cette fée a pour moi ? — Oui, madame, s’écria sa vieille dame d’honneur ; il faut sauver votre gloire ; que penserait-on dans le monde si vous déclariez qu’une mone est votre infante ? Il n’est point naturel d’avoir de tels enfants quand on est aussi belle que vous. » La reine perdait patience de l’entendre raisonner ainsi. Elle et les autres n’en soutenaient pas avec moins de vivacité qu’il fallait exterminer ce petit monstre ; et, pour conclusion elle résolut d’enfermer Babiole dans un château où elle serait bien nourrie et bien traitée le reste de ses jours.

Lorsqu’elle entendit que la reine voulait la mettre en prison, elle se coula tout doucement par la ruelle du lit, et, se jetant de la fenêtre sur un arbre du jardin, elle se sauva jusqu’à la grande forêt, et laissa tout le monde en rumeur de ne la point trouver.

Elle passa la nuit dans le creux d’un chêne, où elle eut le temps de moraliser sur la cruauté de sa destinée ; mais ce qui lui faisait plus de peine, c’était la nécessité où on la mettait de quitter la reine. Cependant elle aimait mieux s’exiler volontairement et demeurer maîtresse de sa liberté que de la perdre pour jamais.

Dès qu’il fut jour, elle continua son voyage, sans savoir où elle voulait aller, pensant et repensant mille fois à la bizarrerie d’une aventure si extraordinaire. « Quelle différence, s’écriait-elle, de ce que je suis à ce que je devrais être ! » Les larmes coulaient abondamment des petits yeux de la pauvre Babiole.

Aussitôt que le jour parut, elle partit : elle craignait que la reine ne la fît suivre ou que quelqu’un des singes échappés de la cave ne la