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BABIOLE.

la reine votre sœur la cruelle guerre qu’elle vous a faite, et conclure la paix par le mariage de votre infante avec le prince votre neveu. — Je ne puis me flatter de ce que vous me dites, répliqua la reine en pleurant. Sage vieillard, vous souhaitez d’adoucir mes ennuis, j’ai perdu ma chère fille, je n’ai plus d’époux, ma sœur prétend que mon royaume lui appartient ; son fils est aussi injuste qu’elle ; ils me persécutent ; je ne prendrai jamais alliance avec eux. — Le destin en ordonne autrement, continua-t-il, je suis choisi pour vous l’apprendre. — Et de quoi me servirait, ajouta la reine, de consentir à ce mariage ? La méchante Fanfreluche a trop de pouvoir et de malice, elle s’y opposera toujours. — Ne vous inquiétez pas, madame, répliqua le bon homme, promettez-moi seulement que vous ne vous opposerez point au mariage que l’on désire. — Je promets tout, s’écria la reine, pourvu que je revoie ma chère fille ! »

Le prince sortit et courut où l’infante l’attendait. Elle demeura surprise de le voir ainsi déguisé, et cela l’obligea de lui raconter que depuis quelque temps les deux reines avaient eu de grands intérêts à démêler et qu’il y avait beaucoup d’aigreur entre elles, mais qu’enfin il venait de faire consentir sa tante à ce qu’il souhaitait. La princesse fut ravie ; elle se rendit au palais ; tous ceux qui la virent passer lui trouvèrent une si parfaite ressemblance avec sa mère, qu’on s’empressa de la suivre, pour savoir qui elle était.

Dès que la reine l’aperçut, son cœur s’agita si fort, qu’il ne fallait point d’autre témoignage de la vérité de cette aventure. La princesse se jeta à ses pieds, la reine la reçut entre ses bras, et après avoir demeuré longtemps sans parler, essuyant leurs larmes par mille tendres baisers, elles se dirent tout ce qu’on peut imaginer dans une telle occasion ; ensuite, la reine jetant les yeux sur son neveu, elle lui fit un accueil très-favorable et lui réitéra ce qu’elle avait promis au nécromancien. Elle aurait parlé plus longtemps, mais le bruit qu’on faisait dans la cour du palais l’ayant obligée de mettre la tête à la fenêtre, elle eut l’agréable surprise de voir arriver la reine sa sœur. Le prince et l’infante, qui regardaient aussi, reconnurent auprès d’elle le vénérable Biroqua, et jusqu’au bon Criquetin qui était de la partie ; les uns pour les autres poussèrent de grands cris de joie ; l’on courut se recevoir avec des transports qui ne se peuvent exprimer. Le célèbre mariage du prince et de l’infante se conclut sur-le-champ, en dépit de la fée Fanfreluche dont le savoir et la malice furent également confondus.