Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/428

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condamne à une très grosse amende si elles manquent. Je ne suis point en état de payer la taxe ; voilà de terribles extrémités, elles renferment ma mort ou notre ruine. Ses trois filles s’affligèrent avec lui ; mais elles ne laissèrent pas de le prier de prendre un peu de courage, parce qu’elles étaient persuadées qu’elles pourraient trouver quelque remède à son affliction.

En effet, le lendemain matin l’aînée fut trouver son père qui se promenait tristement dans un verger, dont il prenait lui-même le soin. Seigneur, lui dit-elle je viens vous supplier de me permettre de partir pour l’armée ; je suis d’une taille avantageuse, et assez robuste, je m’habillerai en homme, et je passerai pour votre fils ; si je ne fais pas des actions héroïques, tout au moins je vous épargnerai le voyage ou la taxe, et c’est beaucoup en l’état où nous sommes. Le comte l’embrassa tendrement, et voulut d’abord s’opposer à un dessein si extraordinaire ; mais elle lui dit avec tant de fermeté qu’elle n’envisageait point d’autres remèdes, qu’enfin il y consentit.

Il ne fut plus question que de lui faire des habits convenables au personnage qu’elle allait jouer. Son père lui donna des armes, et le meilleur cheval des quatre qui servaient à labourer, les adieux et les regrets furent tendres de part et d’autre. Après quelques journées de chemin, elle passa le long d’un pré bordé de haies vives. Elle vit une bergère bien affligée, qui tâchait de retirer un de ses moutons d’un fossé où il était tombé. Que faites-vous là, bonne bergère, lui dit-elle ? — Hélas, répliqua la bergère, j’essaie de sauver mon mouton qui est presque noyé,