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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/438

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à son maître : voici un de nos doués, gardez-vous de manquer l’occasion de l’emmener avec vous. Fortunée qui savait tout engager dès qu’il paraissait ou qu’il parlait, aborde cet homme, lui demande ce qu’il faisait là. Je souffle un peu, seigneur, lui dit-il, pour faire moudre tous ces moulins. Il me semble que vous êtes bien éloigné, reprit le chevalier. Au contraire, répliqua le Souffleur, je trouve que je suis trop près, et si je ne retenais la moitié de mon haleine, j’aurais déjà renversé les moulins, et peut-être la montagne où ils sont : je cause de cette manière mille maux sans le vouloir ; et je vous dirais seigneur, qu’étant fort maltraité de ma maîtresse, comme j’allais soupirer dans les bois, mes soupirs déracinaient les arbres, et faisaient un désordre étrange ; de manière que l’on ne m’appela plus dans ce canton que l’Impétueux. Si quelqu’un a de la peine à vous voir, dit Fortuné, et que vous vouliez venir avec moi, voici des gens qui vous tiendront compagnie, ils ont aussi des talents extraordinaires. J’ai une curiosité si naturelle pour toutes les choses qui ne font pas communes, répliqua l’Impétueux, que j’accepte votre proposition.

Fortuné, très content s’éloigna de ce lieu. Dès qu’il eut traversé un pays assez ouvert, il vit un grand étang où plusieurs sources tombaient ; il y avait au bord un homme qui le regardait attentivement : seigneur, dit Camarade à son maître, voici un homme qui manque à votre équipage, si vous pouvez l’engager à vous suivre, cela ne serait pas mal. Le chevalier s’approcha aussitôt de lui : voulez-vous bien m’apprendrez lui dit-il, ce que vous faites-là ? Seigneur répondit cet homme : Vous l’allez voir ; dès que cet étang sera plein, je le boirai d’un trait ; car j’ai encore soif, bien que je l’aie déjà vidé deux fois. En effet, il se baissa, et ne laissa pas de quoi régaler le plus petit poisson. Fortuné ne demeura pas moins surpris que toute sa troupe : eh quoi ! dit-il, êtes-vous toujours aussi altéré ? Non, dit le buveur d’eau, je bois seulement de cette manière quand j’ai mangé trop salé, ou qu’il s’agit de quelque gageure ; je suis connu depuis ce temps-là par le nom de Trinquet, qu’on me donne ; venez avec moi, Trinquet, dit le chevalier, je vous ferai trinquer du vin qui vous semblera meilleur que l’eau d’un étang. Cette promesse plut beaucoup à celui à qui elle était faite, et sur le champ il se mit à marcher avec les autres.

Le chevalier voyait déjà le lieu du rendez-vous, où tous les sujets du roi devaient s’assembler, lorsqu’il aperçut un homme qui mangeait si avidement,