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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/441

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tout ce que le comte de la Frontière a fait pendant plusieurs années pour le service de l’état, je vous prie de vous reposer sur moi du soin de récompenser ce jeune chevalier.

Fortuné, ravi de l’accueil qu’on lui faisait, ne pouvait assez remercier le roi et la reine : il n’osait cependant s’étendre beaucoup sur les sentiments de sa reconnaissance, croyant qu’il était plus respectueux de se taire, que de parler trop. Le peu qu’il dit parut si juste et si à propos, que chacun l’applaudit ; ensuite il remonta à cheval, et se mêla parmi les seigneurs qui accompagnaient le roi ; mais la reine l’appelait à tous moments pour lui faire mille questions, et se tournant vers Floride qui était sa plus chère confidente : que te semble de ce cavalier, lui disait-elle assez bas ? se peut-il un air plus noble et des traits plus réguliers ? Je t’avoue que je n’ai jamais rien vu de plus aimable : Floride n’avait pas de peine à convenir de ce que disait la reine, et elle y ajoutait de grandes louanges ; car le cavalier ne lui semblait pas moins aimable qu’à sa maîtresse.

Fortuné ne pouvait s’empêcher de jeter les yeux de temps en temps sur le roi : c’était le prince du monde le mieux fait, toutes ses manières étaient prévenantes. Belle-Belle, qui n’avait point renoncé à son sexe, en prenant un habit qui le cachait ressentait un véritable attachement pour lui.

Le roi lui dit après la revue, qu’il craignait que la guerre ne fût sanglante, et qu’il avait résolu de l’attacher à sa personne. La reine douairière, qui était présente, s’écria qu’elle avait eu la même pensée, qu’il ne fallait point l’exposer au péril d’une longue campagne ; que la charge de premier maître d’hôtel était vacante dans sa maison, qu’elle la lui donnait. Non, dit le roi, j’en veux faire mon grand écuyer. Ils se disputaient ainsi l’un et l’autre le plaisir d’avancer Fortuné ; et la reine, craignant de faire connaître les secrets mouvements qui se passaient déjà dans son cœur, céda au roi la satisfaction d’avoir le chevalier.

Il n’y avait guère de jours où il n’appelât son coffre de maroquin, et ne prît dedans un habit neuf. Il était assurément plus magnifique qu’aucun prince qui fut à la cour ; de sorte que la reine lui demandait quelquefois par quel moyen son père fournissait à une si grande dépense ; d’autres fois encore elle lui en faisait la guerre : avouez la vérité disait-elle, vous avez une maîtresse ; c’est elle qui vous envoie toutes les belles choses voyons. Fortuné rougissait, et répondait respectueusement aux différentes questions que lui faisait la reine.