Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/445

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goûter sa fortune. » La reine aurait bien voulu que sa confidente lui eût parlé d’une autre manière ; elle lança même sur elle un regard furieux, et s’avançant avec précipitation, elle entra brusquement dans le cabinet de verdure où le chevalier se reposait. Elle feignit d’être surprise de l’y trouver et d’avoir quelque peine qu’il la vît dans son déshabillé, bien qu’elle n’eût rien négligé de tout ce qui pouvait le rendre magnifique et galant.

Dès qu’elle parut, il voulut par respect se retirer ; mais elle lui dit de rester, et qu’il lui aiderait à marcher. « J’ai été ce matin éveillée agréablement par le chant des oiseaux, le temps frais et la pureté de l’air m’ont invitée à les venir entendre de plus près. Qu’ils sont heureux, hélas ! ils ne connaissent que les plaisirs ; les chagrins ne troublent point leur vie. — Il me semble, madame, répliqua Fortuné, qu’ils ne sont pas absolument exempts de peine et d’inquiétude ; ils ont toujours à éviter le plomb meurtrier ou les filets décevants des chasseurs ; il n’est pas jusqu’aux oiseaux de proie qui ne fassent la guerre à ces petits innocents. Lorsqu’un rude hiver gèle la terre et la couvre de neige, ils meurent, faute de quelques grains de chènevis ou de millet ; et tous les ans ils ont l’embarras de chercher une maîtresse nouvelle. — Vous croyez donc, chevalier, dit la reine en souriant que c’est un embarras ? Il y a des hommes qui le prennent en gré douze fois chaque année. Eh, bon Dieu ! vous paraissez surpris ? continua-t-elle ; ne semble-t-il pas que vous ayez le cœur tourné d’une autre manière, et que vous n’avez encore jamais changé ? — Je ne peux, madame, savoir de