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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/451

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ramener triomphant. — Madame, répliqua le chevalier, votre majesté me fait trop d’honneur. Elle sait assez le péril où je m’expose, je ne l’ignore pas non plus ; cependant je suis tout plein de confiance ; peut-être que dans cette occasion je suis le seul qui espère. » La reine entendait bien ce qu’il voulait lui dire ; sans doute qu’elle aurait répondu à ce petit reproche, s’il y avait eu moins de monde dans la chambre.

Enfin, le chevalier se rendit chez lui ; il ordonna à ses sept excellents domestiques de monter à cheval et de le suivre, parce que le temps était venu d’éprouver, ce qu’ils savaient faire ; il n’y en eut aucun qui ne témoignât de la joie de pouvoir le servir. Ils ne tardèrent pas une heure à mettre tout en ordre, et ils partirent avec lui, l’assurant qu’ils ne négligeraient rien pour sa satisfaction. En effet, quand ils se trouvaient seuls dans la campagne, et qu’ils ne craignaient point d’être vus, chacun faisait preuve de son adresse : Trinquet buvait l’eau des étangs, et pêchait le plus beau poisson pour le dîner de son maître. Léger, de son côté, attrapait les cerfs à la course, et prenait un lièvre par les oreilles, quelque rusé qu’il fût. Le bon Tireur ne faisait quartier ni aux perdreaux ni aux faisans : et quand le gibier était tué d’un côté, la venaison de l’autre, et le poisson hors de l’eau Forte-Échine s’en chargeait gaiement ; il n’y avait pas jusqu’à Fine-Oreille, qui ne se rendît utile ; il écoutait sortir de la terre les truffes, les morilles, les champignons, les salades, les herbes fines ; aussi Fortuné n’avait presque pas besoin de mettre la main à la bourse pour faire les frais de son voyage ; il se serait assez bien diverti à voir tant de choses extraordinaires, s’il n’avait pas eu le cœur tout rempli de ce qu’il venait de quitter. Le mérite du roi lui était toujours présent et la malice de la reine lui semblait si grande, qu’il ne pouvait s’empêcher de la détester.

Il marchait abîmé dans une profonde rêverie, quand il en fut tiré par les cris perçants de plusieurs personnes ; c’était de pauvres paysans que le dragon dévorait. Il en vit quelques-uns qui, s’étant échappés, fuyaient de toutes leurs forces, il les appela sans qu’ils voulussent s’arrêter, il les suivit et leur parla ; il sut par eux que le monstre n’était pas éloigné. Il leur demanda comment ils faisaient pour s’en garantir ; ils lui dirent que l’eau était rare dans le pays, que l’on n’en buvait que de pluies, et que pour la conserver, ils avaient fait un étang ; que le dragon, après bien des courses, y venait boire ; qu’il faisait de si grands cris en arrivant, qu’on les entendait d’une lieue ; qu’alors tout le monde effrayé se cachait, fermant les fenêtres et les portes des maisons.