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Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/456

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Il n’y a que lui au monde : ah ! les dieux l’ont réservé pour troubler tout le repos de ma vie.

Floride n’était point fâchée du chagrin que sa maîtresse avait contre Fortuné, et bien loin de l’apaiser, elle l’aigrissait, en lui rappelant mille circonstances qu’elle n’avait peut-être pas voulu remarquer. Son dépit augmenta encore, et lui fit concevoir un nouveau dessein pour perdre le pauvre chevalier. Dès que le roi fut auprès d’elle, et qu’il lui eut témoigné son inquiétude pour sa santé elle lui dit : je vous avoue que je me trouvais assez mal ; mais il est difficile de ne pas guérir avec Fortuné, il est réjouissant, ses visions font plaisantes : vous saurez, continua-t-elle qu’il m’a priée d’obtenir une nouvelle grâce de votre majesté. Il la demande avec la dernière confiance de réussir dans l’entreprise du monde la plus téméraire. Quoi, ma sœur, s’écria le roi, veut-il aller combattre quelque nouveau dragon ? C’en est plusieurs à la fois, dit-elle, qu’il s’assure de vaincre : vous le dirai-je ? enfin il se vante, d’obliger l’empereur à nous rendre tous nos trésors, et que pour cela, il ne lui faut point d’armée. Quel dommage, répliqua le roi, que ce pauvre garçon soit tombé dans une folie si extraordinaire ! son combat contre le monstre, ajouta la reine, ne lui laisse plus concevoir que de grands desseins ; et que hasardez-vous en lui donnant la permission de s’exposer encore pour votre service ? Je hasarde sa vie qui m’est chère, répliqua le roi, j’aurais une peine extrême de le faire périr de gaieté de cœur. De quelque manière que la chose tourne, il est donc infaillible qu’il mourra, dit-elle, car je vous assure qu’il a une si forte passion d’aller recouvrer vos trésors, qu’il ne fera plus que languir si vous lui en refusez la permission.

Le roi tomba dans une profonde tristesse : je ne puis imaginer, dit-il, ceux qui lui remplissent la tête de toutes ces chimères, je souffre de le voir en cet état. Au fond, répliqua la reine, il a combattu le dragon, il l’a vaincu, peut-être qu’il réussirait de même. J’ai quelquefois des pressentiments justes, le cœur me dit que son entreprise sera heureuse ; de grâce, mon frère, ne vous opposez point à son zèle. Il faut l’appeler, ajouta le roi, et lui représenter tout au moins ce qu’il hasarde. Voilà justement le moyen de le faire désespérer, répliqua la reine, il croira que vous ne voulez pas qu’il parte, et je vous assure qu’à l’égard de le retenir par aucune considération qui le concerne, il ne le fera pas ; car je lui ai déjà dit tout ce qui se peut imaginer dans une