Page:Contes des Fées, par Perrault, Mme D’Aulnoy, Hamilton et Mme Leprince de Beaumont, 1872.djvu/457

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telle occasion. Hé bien, s’écria le roi, qu’il parte, j’y consens. La reine ravie de cette permission, appela Fortuné : chevalier, lui dit-elle, remerciez le roi, il vous accorde la permission que vous désirez tant, d’aller trouver l’empereur Matapa, et de lui faire rendre de gré ou de force nos trésors qu’il a enlevés ; préparez-vous y avec la même diligence que vous eûtes pour aller combattre le dragon.

Fortuné, surpris, reconnut à ce trait la fureur de la reine contre lui : cependant il sentit du plaisir à pouvoir donner sa vie pour un roi qui lui était si cher ; et sans se défendre de cette extraordinaire commission, il mit un genou en terre, et baisa la main du roi qui était de son côté très-attendri. La reine ressentait une espèce de honte de voir avec quel respect il se voyait condamné à affronter la mort. Serait-ce, disait-elle en elle-même, qu’il aurait pour moi de l’attachement, et que plutôt de me dédire de ce que j’ai avancé de sa part, il souffre le mauvais tour que je lui joue sans se plaindre ? Ah ! si je pouvais m’en flatter, que je me voudrais de mal de celui que je vais lui faire ! Le roi parla peu au chevalier, il remonta à cheval, et la reine dans sa calèche, feignant de se trouver encore mal.

Fortuné accompagna le roi jusqu’au bout de la forêt ; puis y entrant pour entretenir son cheval, il lui dit : mon fidèle Camarade, c’en est fait, il faut que je périsse. La reine vient de m’en ménager une occasion à laquelle je ne me serais jamais attendu de sa part. Mon aimable maître, répliqua le cheval, cessez de vous alarmer ; bien, que je n’aie pas été présent à ce qui s’est parlé, je le savais il y a longtemps ; l’ambassade n’est pas si terrible que vous vous l’imaginez. Tu ne sais donc pas, continua le chevalier, que cet empereur est le plus colère de tous les hommes, et que si je lui propose de rendre tout ce qu’il a pris au roi, il ne me fera d’autres réponses que de m’attacher une corde au cou et de me faire jeter dans la rivière. Je suis informé de ses violences, dit Camarade, mais que cela ne vous empêche pas de prendre vos gens avec vous, et de partir : si vous y périssez, nous périrons tous ; j’espère cependant un meilleur succès.

Le chevalier un peu consolé revint chez lui, et donna les ordres nécessaires, et alla ensuite prendre ceux du roi et ses lettres de créance. Vous direz de ma part à l’empereur, lui dit-il, que je redemande mes sujets qu’il retient en esclavage, mes soldats prisonniers, mes chevaux dont il se sert, et mes meubles avec mes trésors. Que lui offrirai-je pour toutes ces choses, dit Fortuné ? Rien, répliqua le roi, que mon amitié.